Le Système & les Sorts
Et hop, un petit livret à télécharger qui remplace les p. 40-67 du manuel.
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Voilà quelque temps que j’utilise une règle différente pour l’expérience gagnée en partie.
En partie, chaque fois que tu accomplis une action d’ éclat, chaque fois que tu as une idée brillante, chaque fois que tu te comportes de façon classe ou cool, le meneur et les autres joueurs sont encouragés à te récompenser.
Le meneur place au centre de la table un bol rempli de jetons qu’ on appelle les pépites.
Pour récompenser un exploit, le meneur ou un autre joueur peut te donner 1 pépite. Si ton exploit plaît à plusieurs joueurs, tu peux recevoir 2 pépites maximum.
À chaque fois, le meneur ou les joueurs doivent signaler leur approbation à haute fois en disant « Bravo », « Cool », « Classe », « Bonne idée » ou une autre expression du même genre.
En fin de partie, tu peux échanger 10 pépites contre 1 point d’expérience. Avec 1 point d’expérience, tu peux augmenter un trait ou un talent de 1, gagner un focus ou choisir un don.
Les pépites inutilisées sont conservées d’une partie à l’autre.
Sur les Terres Suspendues, les escaliers sont un peu différents de ceux que tu connais.
Il y a toujours un espace dégagé au centre pour ceux qui lévitent au lieu de prendre les escaliers. Du coup, les escaliers n’ont pas de garde-corps et donnent directement sur le vide. Du coup, c’est plus facile de léviter dans les escaliers. Le risque de chute est faible : même avec 6 en Force, on peut léviter pour éviter la chute.
Les marches sont faites pour les elfes, et c’est volontaire. Pour les gnomes, les marches sont trop hautes, et c’est vite fatiguant. Pour les panthères, les loups et les ogres, les marches sont trop basses, et mieux vaut léviter.
Encoche est une ville à la verticale, une ville dense. Difficile de se la représenter. Il y a plusieurs différence avec les autres villes, même les autres cités de l’Anneau.
Une ville de tours. Tous les immeubles d’Encoche sont des tours qui peuvent dépasser les 100 m de haut.
Comme il n’y a pas de pesanteur sur les Terres Suspendues, du moins pas comme au sens habituel, on peut construire une tour de cent étages, sans avoir à renforcer la structure par des murs épais, des piliers, etc. La plupart des murs extérieurs ne dépassent pas 40 cm. C’est pour limiter un peu la perception, et éviter que n’importe qui regarde à travers. Derrière un mur d’une Allure de 3, la plupart des gens ne voient qu’à 3 (6 – 3), soit 3 m.
Question architecture, inspire-toi des grands immeubles haussmanniens à Paris ou des vieux immeubles de Manhattan comme le Flatiron Building, le Woolworth Building ou la Metropolitan Life Tower.
Les fenêtres. Dans les bas quartiers et les quartiers entre, les fenêtres sont inutiles, tu ne vois pas la lumière de Gesvres. Elles sont un signe de richesse. D’ailleurs, la plupart sont uniquement décoratives, et ne peuvent pas s’ouvrir.
Les rues. Les rues aussi sont différentes. La plupart ne font pas plus de 2,50 m de large. Les bousculades sont fréquentes et les étals sont interdits.
Il y a deux types de rues. Les rues basses ressemblent à celles que nous connaissons, elles serpentent au pied des tours. Les rues hautes, plus nombreuses, sont des escaliers et des passerelles entre deux tours qui traversent souvent une tour pour continuer de l’autre côté. Les étages des tours traversés sont aménagés comme des rues avec des arcades, des boutiques et des magasins.
Les sentinelles sont très utiles pour les patrouilleurs avant de passer à l’action, pour repérer les lieux ou pour espionner quelqu’un.
Le sort souffrait d’un petit bug de conception. Voilà le problème corrigé. Il faut créer la sentinelle d’abord, et pour ça on a besoin d’Artifice ou de Façon. Ensuite après, il faut la connecter, c’est pour ça qu’on a besoin de Sens. J’avais oublié la première étape dans les règles. Et puis, tu peux maintenant te connecter directement à quelqu’un, un collègue, ou ton dragon de salon.
Comme les sentinelles servent pour les mémoires centrales, ça entraîne de légères modifs.
Si tu veux repérer les lieux sans te faire remarquer, utilise une sentinelle invisible. Si tu veux suivre quelqu’un discrètement, un sort de connexion est plus utile. N’oublie pas de lancer un sort de dissimulation en même temps, histoire que ton sort ne soit pas repéré.
Une sentinelle reste toujours très fragile. Contrer le sort de connexion rend la sentinelle inutile.
Sentinelle. Créer une sentinelle demande 1 d’Artifice ou de Façon. C’est un petit appareil, transparent et immatériel (Taille 1, Allure 0, Solidité 0). On a besoin de Sens pour le connecter. Le Sens détermine l’Intrication de la connexion. Plus l’Intrication est élevée et plus la connexion est difficile à rompre.
Une sentinelle permet de surveiller un lieu ou de l’explorer. Elle peut aussi servir de balise pour un sort de téléport.
Mégarde est sur la piste d’un gang. Plutôt que d’y aller elle-même, elle crée une sentinelle. Elle mise 1 en Artifice et 1 en Sens. Elle utilise ensuite un sort de perception pour voir à travers et un sort de mouvement pour la déplacer. Elle peut ainsi explorer les lieux, sans prendre aucun risque.
Connexion. Créer une connexion avec quelqu’un ou quelque chose demande du Sens. Il détermine l’Intrication de la connexion. Plus l’Intrication est élevée et plus la connexion est difficile à rompre.
Une fois connectée, la cible reste à portée de vue quelle que soit la distance, et peut donc être affectée par un sort.
Une connexion permet ainsi de voir, de lancer des sorts et de communiquer à distance, de surveiller ou d’espionner quelqu’un.
Pour que la connexion marche dans les deux sens, il faut une double connexion.
Mémoires centrales. Les mémoires centrales sont des sentinelles évoluées connectées les unes aux autres.
La Sphère est la plus grande qui soit : elle est constituée de milliards de sentinelles.
Avec le temps, elle a acquis du Sens, du Savoir, de la Parole et de la Mesure. Ses talents sont alimentés par des milliers de pierres de sorts disposées un peu partout.
Sa mémoire interne dispose d’un vaste catalogue de réponses adaptées, ce qui lui permet de simuler un comportement assez réaliste. Elle traite en priorité les personnes qui passent du temps avec elle et qui se montrent polis.
Desdémone, à l’Hôtel aux Corbeaux, est une mémoire centrale plus petite et plus limitée.
Tous les patrouilleurs sont formés à la magie criminelle, même rapidement. Quand on est sur le terrain, il faut savoir quelle magie utilisent les criminels et comment les contrer efficacement.
Les sentinelles & les simulacres. Tout le monde se sert de sentinelles et tous les mages savent se servir de simulacres. Les archimages, qui ont souvent peur pour leur sécurité, les utilisent pour agir sans sortir de chez eux.
Une sentinelle permet d’espionner et d’agir à distance, mais les interactions sont limitées. En posant une image ou une illusion sur une sentinelle, on crée un simulacre. On peut ainsi agir à distance, mais aussi discuter avec quelqu’un comme si on était réellement présent. Un témoin peut facilement s’y laisser prendre. Le simulacre a sa signature et il semble réel si on utilise une illusion. Pour plus de réalisme, on peut solidifier l’image, mais le sort demande au moins 3 de Façon ce qui n’est pas accessible à la plupart des mages, sauf s’ils ont un Talent Embryonnaire en Façon.
En tant que patrouilleur, fais attention à ne pas te laisser avoir par un simulacre. Il risque de disparaître devant toi, et tu n’auras plus aucune trace pour le suivre, à part sa signature. Si tu peux, sers-toi de simulacres sur les missions dangereuses.
Les signatures. La signature d’une personne permet de s’assurer que c’est bien elle, même transformée. C’est pour ça que certains criminels contrefont leur signature ou demandent à quelqu’un de le faire. Hélas pour eux, il faut se montrer extrêmement prudent. Changer sa signature ne change pas la signature des sorts qu’on utilise, et tout ce qu’on fait est un sort : parler, marcher… C’est comme ça que tu peux le piéger.
Attention aussi aux illusions.
Les téléportations. Quand une personne se téléporte, impossible de savoir où elle va. Un criminel se téléporte donc le plus souvent possible, pour éviter de se faire prendre. Quand il passe par le service Évasion, il précise rarement à quelle adresse il se téléporte. Comme tout le monde, il peut utiliser une adresse enregistrée.
En tant que patrouilleur, fais attention à toujours coller une sentinelle, si possible invisible, sur un suspect. Ça t’évitera de perdre sa trace s’il se téléporte.
Les visions du passé. Tous les criminels savent qu’on peut voir dans le passé. Quand ils passent à l’acte, ils prennent donc leurs précautions. Invisibles, ils savent qu’on ne peut pas les voir.
Une main noueuse aux doigts comme des souches m’empêche de fermer.
« Miaule ? Nous ne sommes ici que parce qu’on nous a appelés… »
Une autre main déjà se glisse dans l’entrebâillement, une patte aux griffes d’acier entraînées par de fins rouages.
J’ai beau pousser la porte de toutes mes forces, les fragiles scellés de sûreté s’étiolent et cèdent dans un dernier flamboiement.
C’est une épaisse jambe de bois, cerclée de fer, qui franchit le seuil en premier. Alors que, tremblante, je me sens défaillir à la vue du colosse, un deuxième individu pénètre ma triste mansarde.
« Gente minette, » continue-t-il, « mon aimable compagnon et moi-même, sommes ici venus pour soigner ta mère. »
L’elfe est longiligne, appétissant, cambré dans un complet d’un gris souris. Il dépose son chapeau et sa pèlerine sur la chaise, prés de la fenêtre.
« Tu as bien appelé, pour ta maman ? »
Je ne sais quoi répondre. Dehors, la rue est déserte.
Ils me regardent, attentifs, chacun tenant sa mallette de médecin. L’ange est auréolé de mèches cendrées et je n’ai ni le loisir ni la volonté d’apercevoir le visage de l’hercule qui l’accompagne, tout barricadé qu’il est derrière le col de sa cape.
« Maman… malade… »
Je retrouve mes esprits et bredouille quelques vagues excuses. Ils m’emboîtent le pas, jusqu’à la chambre.
« C’est sans doute la stature de mon compagnon qui t’a effrayée, c’est chose coutumière, mais je t’assure qu’Equeville est tout ce qu’il y a de plus sympathique, quand on le connaît », plaisante le gracieux personnage.
Derrière nous, l’ogre grommelle dans sa barbe.
« Ah, voilà la patiente. »
Maman est étendue, tremblante, sous une lumière vacillante, la fourrure collée par des humeurs laiteuses. Elle a rué et s’est débattue pour repousser les couvertures.
Le jeune médecin la repousse délicatement sur le flanc et d’une main experte, tâte les lombaires et la nuque. L’autre attend, monolithique. Sortant ses instruments, l’elfe en gris ausculte, mesure et s’interroge. Lui tirant sur les paupières, il plonge ses prunelles grises dans l’iris fendu de maman, et lui arrache un feulement en appliquant une pression toute professionnelle sous son aisselle.
« Eh bien, eh bien… Je vois que nous avons affaire à une ololygite aiguë, plus communément appelée beuglante. Nous avons bien fait de nous équiper de fer émérite », dit-il en exhibant plusieurs fioles.
Bécasse, j’avance un « C’est grave ? »
« Permets-moi de te détromper, gente minette », dit-il en faisant sauter un opercule. « Nous ne sommes pas médecins, mais morbicides, et assermentés qui plus est. J’en conviens, les apothicaires et nous partageons les mêmes ambitions curatives, mais nos méthodes sont subtilement différentes, comme tu vas en juger… »
L’ogre a déposé sa lourde mallette sur le sol, et accroupi, il farfouille à l’intérieur, avant d’en extirper un calibre à canon scié de taille gargantuesque. Son maigre comparse est en train de visser ses fioles aux pommeaux de deux longues épées à l’aspect torturé, dont l’une, consciente, sifflote un air à la mode.
« Les apothicaires, vois-tu, utilisent des décoctions, des enchantements alambiqués et des plantes pour affaiblir la maladie chez le patient, la faire fuir. Rien ne l’empêche de refaire ses forces et de revenir un autre jour, ou chez une autre personne… Alors que nous, morbicides, nous l’éradiquons, une bonne fois pour toute. »
Disant cela, il exerce une subtile pression sur les flasques et par un subtil mécanisme, envoie le liquide épais qu’elle contient ruisseler sur le fil de la lame.
« Je te remercie d’avoir fait appel à nos services, et je te demanderai aussi, pour ta propre sécurité, de te tenir à l’écart et de nous laisser exercer… Du numéro 12, Maximilien !… notre art en toute liberté. »
Le puissant Maximilien, m’adresse un sourire, et glisse nonchalamment deux cartouches immaculées dans les canons basculants de son arme. Je hasarde un œil dans sa sacoche, où s’accumule une collection de douilles et de balles de toutes formes et de toutes sortes.
« Ce sont des projectiles en fer émérite, cette sale petite engeance virale n’a aucune chance, m’explique le bavard morbicide, en insérant quelque chose dans ses oreilles et celles de ma mère. »
Son gigantesque camarade en fait de même et ajoute d’une voix de basse :
« La féline damoiselle ferait bien de se protéger les tympans, elle aussi. »
Je reste là, stupide et pétrifiée, deux bouchons posés au fond de ma paume, alors que l’ange gris, tenant son glaive l’estoc vers le sol, comme un sceptre, opère par magie. Les yeux mis clos, souriant, il murmure, le front appuyé contre la garde. L’autre a refermé son engin de mort, en faisant claquer le fût contre la culasse. Il fait jouer ses prothèses, pivote de profil, et se tend en avant, prêt à tirer.
Des gaz iridescents ont envahi la pièce. De longues anguilles lumineuses se tordent et délimitent comme un cône dont le mage serait l’origine. Et dans le pinceau de ce projecteur émeraude, la bête est là. Elle est tordue, jaunâtre, horriblement fessue. Assise à califourchon sur ma mère, elle pèse de tout son poids sur sa poitrine. Le simple fait de gêner sa respiration provoque chez ce monstre des tressautements de jouissance, qui courent et palpitent le long de son échine pour venir fleurir sur ses lèvres en un sourire vénéneux. De vagues humeurs dégoulinent le long de ses membres difformes, se mêlent à la sueur de maman, qui geint et se débat. Ses convulsions désordonnées des jours précédents prennent tout à coup tout leur sens.
Tout n’a duré qu’une seconde, une détonation retentit alors que l’horreur, se sentant découverte, abandonne ma mère d’un bond. Le plâtre arraché au mur retombe en poussière sur le corps épuisé de maman.
Je hurle.
La chose s’est perchée sur le haut de l’armoire. S’ancrant dans le bois à grand renfort de griffes, elle s’arc-boute et pousse un cri à son tour, un cri pointu comme une lance, qui me vrille jusqu’à l’âme. Le vase, le miroir explosent en milliers de fragments qui soudainement s’immobilisent dans l’air, devant les mains tendus du mage filiforme. Du sang s’écoule de ma truffe, alors que je chancelle. J’essaie de quitter la pièce à quatre pattes, tandis que le géant trébuche sur moi. Une seconde détonation et ce sont des fragments du plafond qui pleuvent dans la pièce.
« Ne la laisse pas s’échapper, Maximilien », s’exclame l’elfe en gris qui a plaqué ses mains sur mes oreilles ! »
Le colosse poursuit la maladie à travers la pièce. Il essaie à plusieurs reprises de la transpercer de sa lame, tandis qu’elle bondit de meuble en meuble, tout en poussant des piaillements suraigus. Dans sa course, ce sont les verres et la vaisselle qui volent en éclats. Empoignant le vaisselier d’une poigne d’acier, Maximilien l’expédie à travers le salon. La fièvre est piégée dessous. Tandis que le morbicide recharge calmement son calibre, la chose hurle et tempête. Les vitres de ma mansarde se lézardent et éclatent. La cape déchiquetée, souffrant de multiples entailles, le colosse arme le chien, et tire une dernière fois.
Par les fenêtres crevées, c’est une chorale de plaintes suraiguës qui accompagne la détonation. Les yeux remplis de larmes, j’aperçois une horde de silhouettes difformes et jaunâtres qui se rassemblent, gesticulantes, sur les toits du quartier.
« Foutrecul, tonne l’ogre, une épidémie ! »
Mes jambes se dérobent et je m’évanouis.
Souvenir recueilli par Frotonde le Retors,
lors de la reconstitution de la mise à sac de la rue des Silences Étouffés.
La magie nous entoure et, depuis des siècles, les magiciens cherchent à en percer les secrets.
Les magiciens. Un magicien est d’abord un théoricien. Il consacre une partie de son temps à étudier de la magie, un physicien de la magie en somme. Tu peux te considérer magicien à trois conditions :
1° Tu es mage et tu as 9 ou plus en Savoir.
2° Tu as la magie comme passion.
3° Tu as le don de Science Infuse (magie).
Dans ce cas, tu en sais long sur les élémentaires, les traits, les talents, la théorie thaumique et la théorie cantique.
Un monde magique. Terres Suspendues décrit un monde magique avec ses propres lois. Les règles sont une explication physique de cet univers.
Les traits et les talents existent pour de vrai. Quelqu’un qui a 9 en Force sait qu’il utilise la Force pour agir et lancer des sorts. Il est capable de parler de lui en disant qu’il a « 9 en Force ». De la même façon, il peut parler de sa Solidité et dire qu’il a « 3 en Solidité ».
Au cours des siècles, la perception du monde a changé, et si vous jouez dans le passé d’Encoche, il faudra adapter les règles aux connaissances de l’époque. La liste des talents est aussi nombreuse que la liste de sorts. On parle de la Vue, de l’Ouïe, de l’Élan, de la Flamme, de l’Ombre, du Givre, de l’Illusion et de l’Éclipse. Utiliser le sort d’invisibilité demande de faire appel à l’Éclipse, et un mage uniquement doué en Flamme ne sait pas le faire. La Mesure permet de se téléporter à longue distance : il n’y a pas de risques d’interférences et on téléporte même des barges de guerre.
À l’inverse, certains talents comme le Soin et l’Alchimie sont des talents embryonnaires, qu’on maîtrise mal. Ressusciter un mort est très dangereux : on ne sait rien de la déchirure et on a une peur terrible des zombies.
À partir du 12e siècle et des travaux de Tucléide, on réalise que la Lumière, la Flamme, l’Ombre, le Givre, l’Illusion et l’Éclipse sont des aspects différents de l’Artifice.
À partir du 13e siècle et de l’implosion de l’ATO de Syracuse, se téléporter à longue distance devient risqué. Les guides se font de moins en moins nombreux.
À partir de l’apparition des ogres et des gobelins, le Soin et l’Alchimie sont mieux connus et la résurrection devient une pratique courante.
Dans l’avenir, les choses pourraient encore changer. Certains magiciens pensent qu’il n’existe qu’un seul talent, la Magie, dont tous les talents actuels sont simplement des aspects.
La théorie thaumique. Au début du 19e siècle, les magiciens expliquent l’existence de la magie par la théorie thaumique. Pour eux, la magie est faite de corpuscules de matière infiniment petits et quasiment invisibles à l’œil nu, les thaums.
La magie se mesure donc en thaums (Ŧ) : 1 Ŧ permet de maintenir un sort d’une puissance de 1 et d’une Taille de 1 pendant 1 heure. Ainsi, un sort de lumière qui éclaire à 6 sur 15 mètres nécessite 900 Ŧ (6 × 150) par heure.
Ce sont nos talents qui nous permettent de générer des thaums dans l’orbe de sérénité d’un cristal, c’est-à-dire à proximité. Quand un sort se dissipe, sa magie ne disparaît pas. Elle se disperse avant d’être à nouveau absorbée par les cristaux. Ces fluctuations magiques ténues créent des courants magiques d’une puissance de quelques millithaums (mŦ).
La théorie thaumique suppose qu’il existe différentes variétés de thaums. Un thaum de Force, ou thaum fort, n’a rien à voir avec un thaum alchimique par exemple. À l’intérieur mêmes des thaums forts, on en trouve différentes variétés. Tous ces thaums sont classés dans le tableau thaumique standard.
La théorie cantique. Au milieu du 19e siècle, le magicien Fulgence est le premier à travailler sur la théorie cantique. En travaillant sur les pierres de sort, il met en évidence des concordances entre les thaums photoniques et les thaums thermiques, en jouant sur leurs vibrations fondamentales. Son expérience permet de changer la lumière en chaleur. Il réussit également en travaillant sur les thaums cinétiques à changer le mouvement en lumière, utilisant sa Force pour allumer une lampe. Son expérience la plus spectaculaire consiste à utiliser sa voix pour allumer une lampe, changeant ainsi des thaums soniques en thaums photoniques.
Le travail de Fulgence fait grand bruit dans la communauté magicienne. Certains n’hésitent pas à mettre en cause ses travaux et ses expériences, qualifiées de « fumeuses » par d’éminents magiciens. D’autant que Fulgence fait partie d’un mouvement religieux très marginal, le Cantat, qui suppose que le monde a été créé par le chant. L’allusion aux Chants de la Création dans les travaux du magicien ajoute au caractère discutable de ses travaux.
Quelques magiciens reprennent néanmoins ses travaux avec de nouveaux protocoles expérimentaux. On arrive à isoler des thaums « neutres », ou thaums magiques, directement à partir d’un cristal et à en orienter l’aspect. Il ne s’agit plus de changer le mouvement en lumière, mais de faire apparaître à la fois du mouvement et de la lumière à partir d’un même thaum. On finit par postuler qu’un thaum n’est qu’un aspect d’une vibration thaumique fondamentale. La théorie cantique est née.
Il est difficile pour le grand public de saisir les applications concrètes de cette recherche théorique. La théorie cantique ne sert pas à grand-chose aujourd’hui. On l’utilise seulement pour calibrer les condensateurs cristallins qui permettent de créer des pierres de sort de synthèse à partir de pierres prismatiques. Le rendement est encore très insuffisant compte tenu de l’ambre nécessaire pour financer de telles recherches. Seules les grands compagnies marchandes peuvent se payer des condensateurs cristallins et leur calibrage reste très délicat.
Pourtant les perspectives sont prometteuses. À long terme, on peut envisager de faire de la magie sans le moindre talent, en puisant directement dans un cristal.
Elle est là à contempler son reflet dans le miroir : définitivement parfaite. La courbe de ses jambes, le col étroit de sa taille, la fermeté de ses seins, l’ovale de son visage, la blancheur de son teint et le roux de ses cheveux qui tombent sur ses épaules. Un corps d’elfe, définitivement parfait. Elle aime se savoir belle, si naturellement belle.
Avec une fausse pudeur, elle couvre ses seins pendant que, de l’index, elle fait le tour de sa taille. Lentement, la magie naît au bout de ses doigts. Des robes merveilleuses l’enveloppent de leur fin livain et se tissent d’éclats d’étincelles et de quartains. Des gants de maille aérienne montent le long de ses mains et de ses bras d’albâtre. Elle pose alors ses doigts à ses oreilles et des boucles de sinopline d’un vert éclatant y explosent en minuscules bouquet d’adélaïdes. Elle achève son geste autour de son cou, où elle laisse pendre un médaillon luisant.
Dans le miroir, le résultat est à la hauteur de ses espérances. Tout le portrait de sa mère, en beaucoup plus belle. Longeant du doigt le cadre élégant du miroir, l’elfe ne résiste pas :
« Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle. »
« Ma reine, de toutes les elfes, tu es la plus belle », répond le miroir, « mais aussi la plus vaniteuse. »
« Lusignan ! » Elle s’est indignée.
Quel mufle ! On trouve partout des miroirs menteurs, mais celui-ci, il a dû le faire faire exprès pour elle, elle est prête à le jurer.
« Lusignan ! »
L’ogre n’a pas bougé. Son corps massif est toujours affalé sur le lit de rouvre à côté d’elle. Les yeux de l’elfe s’attardent sur son torse noir et son poil luisant, perlé de sueur : comme elle, il prend la pose, même endormi.
De ses doigts, elle fait naître une vipère de feu, reptile ardent aux crocs venimeux. Lentement, la bête glisse sur les draps qu’elle brûle sur son passage.
« Lusssignan ! » La voix de l’elfe siffle comme celle du serpent.
L’ogre n’a pas bougé. Apparemment pas. Dans sa main pourtant, est apparu son long fendoir ensanglanté dont la pointe touche la gorge délicate de l’elfe.
Les yeux encore fermés, il susurre à la belle :
« Allons, Mélusine. Tu sais que je t’aime assez pour te trancher la gorge. Ne me tente pas ! »
La vipère hésite. Elle voudrait le mordre, mais l’elfe craint pour sa vie. Qui mourra le premier cette fois ?
Les deux amants jouent à ce jeu mortel depuis si longtemps qu’ils ont fini par prendre plaisir à cet instant parfait où tout bascule et où la mort saisit leur corps.
La vipère se recule, presque résignée, puis mord en un éclair. Le fendoir a tranché et le sang coule sur les robes, invisible, rouge sur rouge. La vie a quitté les yeux de l’ogre et celle de l’elfe ne tient qu’à un fil. Mélusine a pourtant gagné. Pour cette fois…
D’un claquement de doigt, elle fait disparaître le sang qui la tache avant d’attraper son sac posé sur la coiffeuse. Elle en sort un philtre, fait sauter le cachet et vide le contenu d’un trait. D’un coup, elle se sent mieux. Ses blessures se sont refermées comme elle a bu le sortilège.
« À mon tour ! » fait-elle en posant un dernier baiser sur les lèvres entrouvertes de son amant décédé.
Dans son sac, elle s’empare d’un poudrier, l’ouvre et commande d’une voix claire :
« L’Esplanade, tout de suite ! »
Sur son ordre, l’espace se replie brusquement et notre elfe se trouve téléportée à destination. Elle sait que les sbires de Lusignan trouveront le Roi des Ogres et que, dans moins d’une heure, il sera sur pied. Autant prendre un maximum de distance… Ce n’est pas parce qu’elle est la Reine des Elfes qu’elle est à l’abri des ses brutes ogresques.
Pour l’heure, Mélusine sort de son sac la clef qu’elle a volée à son amant. Elle l’examine lentement comme pour en fixer l’image dans sa mémoire et en comprendre la forme complexe. À en croire Lusignan, cette minuscule clef ouvragée serait la clef de l’énigme, celle qui ouvrirait le mystérieux Pavillon de Chasse…
Mélusine hésite. Doit-elle prendre le risque de lui faire confiance ? Après tout, le Roi des Ogres n’est-il pas surnommé le Prince Menteur… Elle sait qu’elle n’aura qu’une seule chance pour ouvrir le pavillon et rien ne lui dit que cette clef est la bonne.